mercredi 30 juillet 2014

Images: Le passé et le présent ...

Le passé, et
Thomas Cole (1801-1848) - Le passé 1838

le présent , qui n'existe déjà plus ...!
Thomas Cole -- The Present. 1838
*****

Et .... 
disons: le futur antérieur ..!
Image d'origine inconnue, qui figure un paysage de style "steampunk"

lundi 28 juillet 2014

La Bible entre mythe et histoire.

Thomas Cole (1801-1848) - Prométhée

De tous temps, et en particulier les anciens, comprenaient que les Écritures étaient un texte à interpréter...
Dans l'Ancien Testament, YHVH dit à Ézéchiel :
«  Ouvre ta bouche, et mange ce que je te donnerai ! Je regardais, et voici, une main était étendue vers moi, et elle tenait un livre en rouleau. Il le déploya devant moi, et il était écrit en dedans et en dehors. » (Ez2, 8-10)

Ainsi, par exemple : - Lorsque Moïse ( personnage non historique …) mène son peuple de la terre de servitude à la terre promise, il s'agit de reconnaître avant tout que l’Égypte est en nous, que Moïse et le peuple sont en nous ...etc …
- Le déluge, et l'arche de Noé ne sont pas à prendre au sens littéral. Le déluge est celui des passions, des émotions qui ravagent ...etc
La Bible utilise le langage des mythes.
Thomas Cole--L'Ange apparaissant aux bergers. 1833-1834


- Le récit d'Adam et Eve n’est pour nous – aujourd'hui - qu’une tentative d’auto-compréhension de la situation existentielle de l’homme.... Ce que l'on nomme – abusivement - (?) « la chute » d’Adam ne renvoie pas à un événement historique...
Le mythe appartient de manière essentielle au langage de la religion. On peut se demander, si aujourd'hui, ce langage peut être reçu par l’homme moderne. Malheureusement, le mot ‘mythe’ a une connotation d’irréel et de fiction, et il nous gène que le mythe puisse être le langage propre du mystère.
Thomas Cole (1801-1848) The_Course_of_Empire_Destruction_1836


Pour autant, derrière le mythe, n’y a t-il aucun événement historique.. ? N’y a t-il qu’un message pour moi et mon existence ?

La Bible n’est pas constituée uniquement de paraboles et de récits plus ou moins mythiques. Elle exprime l'intervention divine dans l'histoire des hommes... Elle interprète l’histoire particulière du peuple d’Israël et celle tout autant particulière de Jésus-Christ.  Certains livres bibliques sont des relectures d’événements vécus comme acte de révélation. L’Écriture, poésie du Verbe de Dieu, composée de mots et d’événements, permet alors d’éclairer le sens profond de l’histoire des hommes et d’y découvrir Dieu.  
Thomas Cole--Il Pensaro. 1845

samedi 26 juillet 2014

Les fées, ça n'existe plus ! -3/3-

Aux XIIe et XIIIe siècles, alors que s'écrit la légende arthurienne ; le merveilleux païen fait irruption dans la la culture savante sans grande opposition de l’Église, car elle ne représente plus un véritable danger.
f3be4dd10048Cependant, l'opposition entre l'interprétation des chevaliers et une interprétation des clercs, s'exprime clairement. Les clercs veulent intégrer au surnaturel chrétien une mythologie assez irréductiblement étrangère, et les chevaliers et troubadours exploitent cette mythologie parce qu'elle est précisément étrangère à l’Église…

L'Eglise va jouer la rationalisation, et assimiler les fées aux sorcières. Ce phénomène de rationalisation et de diabolisation va dénaturer – radicalement - la fonction des fées.
La nature fantastique de la fée du lai de Lanval n'est jamais mise en doute par Marie de France. Mais dans les romans en prose à partir du du XIIIe s., les fées vont devenir des mortelles douées de pouvoirs surnaturels.


Vers 1220, le Lancelot en prose donne une définition des fées dans la littérature profane, à propos de la Dame du Lac qui enlève l'enfant Lancelot à sa mère pour l’élever dans son royaume aquatique :
lancelot-et-viviane« Le conte dit que la demoiselle qui emporta Lancelot dans le lac était une fée. En ce temps-là, on appelait fées toutes celles qui se connaissaient en enchantements et en sorts; et il y en avait beaucoup à cette époque, en Grande Bretagne plus qu'en tout autre pays. Elles savaient, dit le Conte des Histoires bretonne, la force des paroles, des pierres et des herbes, par quoi elles se maintenaient en jeunesse, en beauté et en richesse, autant qu'elles le désiraient. Et tout cela fut institué à l'époque de Merlin, le prophète des Anglais, qui savait toute la science qui des diables peut descendre. C'est pourquoi il était tant redouté des Bretons et tant honoré que tous l'appelaient leur saint prophète, et les petites gens leur Dieu. Cette demoiselle, dont le conte parle, tenait de Merlin tout ce qu'elle savait de science occulte; et elle l'apprit par une très subtile ruse. »
Si la dame du lac, est réduite à l'état de magicienne, elle n'habite plus qu'un fantôme de lac :
« La dame qui l'élevait ne résidait jamais ailleurs que dans des forêts grandes et profondes ; et le lac, dans lequel elle avait sauté avec lui, lorsqu'elle l'avait emporté, n'était que d'enchantement. Et cette habitation était si bien cachée que personne ne pouvait la trouver ; car l'apparence du lac la protégeait de telle manière qu'on ne pouvait pas la voir. »
Chevalier dame sans merciLes fées ont acquis la science des clercs et se posent en rivales de ceux-ci, possédant une autre forme de maîtrise du surnaturel.
Cette opposition en recouvre deux autres : clercs/laïcs et masculin/féminin.
« Ainsi les thèmes féeriques peuvent être compris comme une manière, pour la littérature aristocratique, de conférer dans l'imaginaire aux chevaliers des pouvoirs surnaturels indépendants de ceux qui, dans le fonctionnement réel de la société, en constituent le pôle central et dominant : le sacré défini par les théologiens et dont la mise en œuvre est contrôlée par l’Église. »

Deux textes, deux discours parallèles qui exaltent l'idéal chevaleresque, sont révélateurs à cet égard ; tous deux, étonnamment, sont placés dans la bouche d'une fée, prêtés à la dame du lac et à mélusine.

La Dame du lac tient le premier jour au jeune Lancelot avant de la conduire à la cour d'Arthur où il recevra l'adoubement. Ce discours est très orthodoxe : il définit les devoirs du chevalier, qui doit défendre les faibles et les opprimés et servir fidèlement la sainte Église.
Le discours de Mélusine à ses deux fils Urien et Guy, est plus pragmatique, et concerne le bon gouvernement... Il faut être un bon seigneur, attentif aux besoins de son peuple …. Le plus remarquable est ce ces discours soient placés dans la bouche et d'une femme et d'une fée. C'est que le savoir des fées rivalise une fois de plus avec celui des clercs. Les forces féeriques sont mises au service de la chevalerie pour lui donner un caractère héroïque et sacré.

Chrétien de Troyes, joue avec subtilité sur les incertitudes : Laudine est-elle une fée ou non ? Les pucelles ponctuant le parcours de Lancelot en sont elles ? Espace de l’interrogation qui permet plusieurs lectures, mais qui montre aussi que la fée, en dépit de son originelle ambivalence, peut avoir une place véritable dans l’imaginaire médiéval et chrétien.
Morgane a perduré sous le nom de fée Margot et l’on trouve un peu partout en France des « Caves à Margot », des « chambres de la fée Margot », des « fuseaux de Margot », des « Roche Margot ».

St. Margaret of Antioch (France, 1490-1500)

Si la christianisation a diabolisé Morgane, tout comme elle l’a fait de Gargantua et de Mélusine. Elle l’a christianisée en sainte Marguerite, représentée « issourt » du dragon, ou avec le dragon à ses pieds, le dragon-vouivre symbolisant alors les énergies telluriques.
St. Margaret of Antioch (France, 1490-1500)

Après les déesses, les fées, on observe le triomphe d'une autre femme : Marie (Notre-Dame, la Vierge Marie) au début du XII° siècle, qui change terriblement le regard porté sur les fées et les dames. Notre-Dame donne son nom aux 3/4 des grands édifices gothiques qui s’érigent dans un monde nouveau qui explose.
L’évangélisation souvent brutale des populations n’avait jamais aboli l’héritage des fées maîtresses de la pierre, des eaux et du vent. On conserve des témoignages de la fin du XVII° siècle selon lesquels les druidesses de l’île de Sein seront alors et seulement, converties au christianisme.

Sources : Un livre important sur le sujet des fées, si on souhaite comprendre la place qu'elles avaient au Moyen-âge :
- Laurence Harf-Lancner, Le Monde des fées dans l’Occident médiéval, Paris, Hachette (« Littératures »), 2003

mardi 22 juillet 2014

Avant qu'ils ne disparaissent: Jimmy Nelson -1/2-

C’est le titre d’un livre et d’un corpus photographique hors du commun : Before they pass away, du photographe britannique Jimmy Nelson. Son projet consiste à présenter les dernières tribus habitant la Terre, avec le souci de laisser un témoignage vivant avant que ces traditions ancestrales ne disparaissent pour toujours.
Il a passé trois ans et demi à visiter et photographier 35 tribus, dans le monde entier: notamment l’Asie centrale, la Nouvelle Guinée, la Sibérie, la Nouvelle-Zélande, le Népal, l’Amérique du Sud, la Mongolie, le Kenya, l’Inde, la Russie ou encore la Tanzanie.
Nelson a utilisé un appareil photo "4x5", un appareil photo à plaques d'il y a 50 ans.


















samedi 19 juillet 2014

Les fées, ça n'existe pas ! -2/3-

Qui ne s'imagine pas, posséder la lumière qui fera reculer les ténèbres... ? En ce Moyen-âge, la religion catholique voulait posséder la raison, et faire reculer les ténèbres païennes.
Vers 1023, Burchard, évêque de la ville de Worms, rédige un pénitentiel – à l'usage des prêtres – le Decretum dans lequel il énumère les principaux délits commis dans son diocèse et les pénitences adéquates.

Rappelons que, Grégoire VII ( pape en 1073, à 1085) continue l’œuvre de réforme et donne son nom au mouvement. Decretum n’est pas flatteur et développe les idées de sorcellerie inhérente à la femme). 
Dans ce contexte, le statut des femmes change et se durcit. On théorise leur place selon un ordre précis : la virginité, le mariage, le veuvage. Seules ces catégories sont reconnues dans une hiérarchie définie : vierge, sainte, moniale, veuve, femme mariée puis, tout en bas, la femme célibataire qui équivaut au diable en chair et en os. Les réformateurs sont particulièrement misogyne : Hildebrand (clunisien), Pierre Damien, Burchard de Worms (dont le livre 19 de son 
Pour l'évêque de Worms, l’enfer c’est les femmes. Elles sont impies par nature et peuvent même aller jusqu’à remettre en cause la trinité, se tiennent mal à l’église (bavardent, marchent sur les sépultures…).. Il faut ranger les femmes dans les parties froides de l’église pour calmer leurs ardeurs…

Mais, revenons aux croyances en ces fées.... :
«  As-tu cru à ce que certains ont l’habitude de croire, que celles que le peuple appelle les Parques existeraient réellement et auraient le pouvoir, lorsqu’un homme naît, de le marquer comme elles veulent, de sorte qu’à tout moment cet homme pourrait se transformer en loup, qu’en langue teutonique on appelle loup-garou, ou en n’importe qu’elle autre figure? Si tu as cru que cela s’est fait un jour et que c’est possible que l’image divine puisse être transformée en une autre forme ou espèce par quelqu’un, excepté par Dieu tout-puissant, tu feras pénitence dix jours au pain et à l’eau.

La femme jument ...!
As-tu cru à ce que certains ont l’habitude de croire, qu’il existe des femmes habitant les champs, appelées sylphes, ayant, disent-ils, un corps matériel, et lorsqu’elles veulent elles se montrent à leurs amants et prennent plaisir avec eux, et de même lorsqu’elles veulent elles se cachent et disparaissent? Si oui, tu feras pénitence dix jours au pain et à l’eau.

As-tu fait ce que certaines femmes ont l’habitude de faire à certaines époques de l’année: quand tu prépares la table dans ta maison, tu déposes la nourriture et la boisson ensemble avec trois couteaux sur la table, pour que si viennent les trois sœurs, que l’héritage et la stupidité antique appellent les Parques, elles puissent se restaurer là; ainsi tu as pris à la piété divine son pouvoir et son nom pour les transmettre au diable, croyant que celles que tu appelles sœurs peuvent t’être utiles maintenant ou dans le futur? Si oui, tu feras pénitence un an au pain et à l’eau. » Burchard évêque de Worms

Les Parques, déesses de la mythologie romaine, font bon ménage avec une autre mythologie plus locale …
Ce texte évoque parfois des scénarios que nous connaissons dans nos contes de fées … Les « femmes de la forêt » qui recherchent l'amour des mortels, nourrissent un type de conte universel, qui s'épanouira dans la littérature du Moyen-âge.

Les fées apparaissent en littérature, avec la naissance de la littérature. C'est au XIIe s. que naît le roman, qui désigne, au sens propre, tout texte écrit en langue romane ( par opposition au latin). La « matière » de cette littérature est triple : bretonne, romaine et française... En 1170, Chrétien de Troyes écrit le premier de ces romans, Erec et Enide, à partir d'un conte d'aventures. Marie de France – dans le prologue de ses Lais – écrit son projet de sauver les contes des anciens bretons, pour les sauver de l'oubli.

Dans le discours d’autorité de l’Église, les fées sont intégrées au surnaturel chrétien par le biais de la satanisation... ou de la sanctification … !

Les textes profanes, défendent les valeurs de l'aristocratie chevaleresque et interprètent la culture populaire selon une autre idéologie, celle de la société féodale, et les fées y bénéficient d'un traitement beaucoup plus favorable. Il peut être glorieux pour un lignage aristocratique de se doter d'une ancêtre surnaturelle... Les seigneurs poitevins de Lusignan se proclameront les descendants de la fée Mélusine.

jeudi 17 juillet 2014

Les fées, ça n'existe pas ! -1/3-

Comment « croire » aux fées dans un monde dont le système de référence, rationaliste, ne leur permet pas d'exister ?
« Croire », c'est s’écarter de critères qui relèvent de la raison, des sens : voir, toucher, raisonner, expérimenter... tout ce qui appartient à des activités humaines dans un système qui ne tient compte que de ce qui est matériel, humain et dans le cadre de ses connaissances actuelles ...etc.
Dans ce système, beaucoup de choses sont à écarter, en particulier la transcendance, la relation au sacré … et sans doute, la compréhension des mythes, et des contes traditionnels...

Au Moyen-âge, les enfants ne sont pas les seuls à « croire » aux fées. « Croire », c'est alors : prendre au sérieux, reconnaître l'influence, la prégnance, d'un ensemble de faits, d'êtres, sur lesquels il n'est pas aisé de mettre des mots pour en partager l'expérience. La convention partagée, est d'en parler au travers d'histoires ( contes, légendes, mythes …).
Dans un univers mental, aujourd'hui entièrement étranger au nôtre, la question posée par ces figures « fantastiques et ambiguës », est moins celle de leur « existence » que celle de leur signification.... Si elles signifient quelque chose, n'est-il pas absurde de nier leur « existence »... ?
Il est d'ailleurs intéressant de constater la place qu'attribue la religion chrétienne, à ces figures païennes … ! Elle ne leur dénie pas une réalité surnaturelle, mais elle modifie leur interprétation. A côté d'un surnaturel orthodoxe ( les miracles, les pièges du démon, …), il existe un surnaturel problématique dont font partie les fées ….

Exemple :
A la fin du XIIe s., Marie de France dit recueillir dans ses lais des contes bretons qu'elle fait remonter à un passé mythique.
Dans le lai d'Yonec, une jeune femme a été mariée contre son gré à un vieillard jaloux qui la tient en prison. Un jour de printemps, elle évoque d'antiques croyances selon lesquelles, autrefois, «  les chevaliers trouvaient les femmes de leurs rêves, nobles et belles, et les dames trouvaient des amants, preux et vaillants, sans encourir le moindre blâme, car elles étaient les seules à les voir ». Elle supplie Dieu de lui envoyer un de ces amants merveilleux, et Dieu, compatissant, exauce son vœu. Un grand oiseau vole jusqu'à sa fenêtre et, dans sa chambre, se transforme en un beau chevalier qui sollicite son amour. La dame, d'abord terrorisée, consent à l'aimer, s'il est bon chrétien. Aussitôt dit, aussitôt fait : le chevalier-oiseau se métamorphose pour revêtir l’apparence de la dame et recevoir la communion à sa place : celle-ci, rassurée se donne à lui. On reconnaît ici une version du conte de l'Oiseau bleu. Mais l'originalité du récit de Marie de France réside dans cette réaction de la dame, qui n'est nullement rebutée par la nature animale de son soupirant mais craint par-dessus tout de tomber dans un piège du démon : il suffit au chevalier-oiseau de prouver qu'il est bon chrétien pour vaincre sa réticence.

La fée Viviane et Merlin par G Doré
Au Moyen-âge, le surnaturel apparaît :
- Avec Dieu, et son intervention : le miracle...
- Avec la magie, le surnaturel satanique et la sorcellerie...
- Avec ce qui regroupe toutes les « merveilles » : le merveilleux ( de miror = s'étonner ) et ses êtres fantastiques ( fées, lutins, ogres, monstres…) . Cela suscite d'ailleurs une certaine incompréhension, et donc une inquiétude … L'interrogation porte sur l'interprétation de la merveille …. L'interrogation ne porte pas sur la réalité de la merveille, que nul ne met en doute, mais sur son sens : à quel registre de la transcendance relier le phénomène ? Où situer les fées qui n’appartiennent ni à Dieu ni au diable ?

ps: L'Oiseau bleu est un conte de fées français en prose de Marie-Catherine d'Aulnoy, publié en 1697 et racontant l'histoire d'amour de la princesse Florine et du roi Charmant, transformé en oiseau bleu. Ce conte est contemporain des contes de Perrault.

Sources : Laurence Harf-Lancner, Le Monde des fées dans l’Occident médiéval, Paris, Hachette (« Littératures »), 2003